Alimentation cétogène, jeûne intermittent… vous l’avez remarqué, il n’est pas rare que lorsqu’on vous parle d’un de ces sujets, on vous renvoie à l’autre ! Alors, je vous propose de voir pourquoi le duo keto-jeûne fonctionne si bien.
La fameuse cétose
Si vous avez lu mon dossier sur le jeûne intermittent ou celui sur le régime cétogène, alors le terme de cétose (ou de ketosis) vous est très familier.
Au cas où vous ne savez pas encore de quoi je parle, voici ce que Gershuni et al. (1) nous expliquent du mécanisme de cétose :
En temps normal, le corps utilise le glucose en circulation dans le sang comme source d’énergie. Normal, c’est le carburant le plus facile à utiliser pour lui ! Mais alors, le gras qui ne sert pas à grand chose, est majoritairement stocké dans nos tissus adipeux, par exemple les poignées d’amour…
Par contre, si l’on prive le corps de glucides, notre organisme un peu opportuniste est forcé de puiser dans un autre type de ressource : ces fameux acides gras stockés dans la masse graisseuse.
Pas rancuniers, les acides gras commencent à circuler dans le corps pour nous servir de carburant. Le problème, c’est que la barrière hémato-encéphalique du cerveau ne les laisse pas passer.
Alors, ni une ni deux, le foie transforme une partie des acides en cétones qui eux, passent la barrière sans problème. Ils sont plus rapides à utiliser par le cerveau car, contrairement au glucose, ils n’ont pas besoin de passer par une étape préliminaire de glycolyse.
En d’autres termes, les cétones sont près à l’emploi et fournissent ainsi encore plus d’énergie au cerveau. En plus, contrairement au glucose à excès, ils ne provoquent pas de perméabilité de la barrière hémato-encéphalique ou d’inflammation. Bref, ils sont parfaits.
Bien que inhabituelle pour le corps, la cétose est un état métabolique tout à fait sain.
La preuve, selon certaines études comme celle de Dashti et al. (2), adopter un régime qui nous place sous cétose à long terme ne présenterait que des avantages.
Parmi ceux-ci, on peut citer la baisse significative du poids, de l’indice de masse corporel (IMC), des taux de triglycérides, glycémie et “mauvais” cholestérol.
Alors qu’est-ce qui mène à la cétose ? Vous vous en doutez, les deux méthodes principales sont : le jeûne et le régime ketogenic (ou cétogène en bon français).
Le jeûne mène à la cétose
Pour comprendre comment jeûner mène à l’état de cétose, laissez-moi vous expliquer (avec l’article de Dunford et Doyle (3)) les étapes métaboliques par lequel notre corps passe, du repas au jeûne :
1. La période absorptive commence au moment où l’on mange et s’étend jusqu’à 4 heures après le repas. Pendant cette phase, dans notre corps les taux de glucose, acides aminés et acides gras augmentent. Le glucose (qui vient donc des glucides) va être principalement utilisé comme source d’énergie, et seule une petite partie sera stockée. Quant aux acides gras issus des lipides, ils vont être guidé par l’insuline vers la masse graisseuse afin d’y être entreposés.
2. La période post-absorptive a lieu environ dans un laps de temps entre 4 heures et 12 heures après le dernier repas. A ce moment-là, une bonne partie du glucose a été utilisée. Alors l’insuline baisse et ne remplit plus son rôle d’agent de circulation. Pour trouver de l’énergie, le corps réagit à deux niveaux : il utilise les acides gras qui n’avaient pas été encore stockés par l’insuline, et dégrade un peu de protéines.
3. La période de jeûne n’est atteinte qu’après 12 heures sans avoir mangé. En fait, elle commence quand il n’y plus de glucose disponible pour en faire de l’énergie. C’est là que l’organisme entre en cétose, et utilise le gras stocké. Soit de manière brute, soit après conversion en cétones.
Vous l’aurez compris, le jeûne est la manière naturelle d’entrer en cétose : plus de nourriture dans le corps = plus de glucose = cétose. Et, je vous le rappelle, cétose équivaut nécessairement à diminution de la masse graisseuse.
Cela explique pourquoi en moyenne les personnes suivant un jeûne intermittent perdent entre 4,6% et 13% de masse corporelle, d’après l’analyse faite par Welton et al. (4) de 12 études rassemblant au total 1206 personnes.
Le régime cétogène est l’autre méthode pour entrer en cétose
Si on peut entrer de manière naturelle en cétose grâce au jeûne, il est aussi possible de tromper notre organisme pour le faire entrer en cétose même en mangeant. Cette méthode s’appelle l’alimentation cétogène, ou régime ketogenic.
Comment c’est possible ? Je vous le disais, c’est l’absence de glucose dans le sang qui mène à la cétose. On trouve le glucose dans les glucides, mais il existe d’autres macronutriments que les glucides, comme les lipides issus des produits gras.
La consommation très majoritaire de produits gras au détriment des glucides, c’est le cœur du régime keto.
Ainsi, avec le régime cétogène contrairement au jeûne intermittent, ce n’est pas de nourriture dont on se prive, mais simplement de glucides. Et c’est ainsi qu’on peut fourvoyer notre organisme pour le placer en état de cétose, de manière permanente et tout en continuant de manger.
Grâce à cette méthode, il est possible de perdre beaucoup de poids.
Dans une expérimentation de Bonnie et al. (6) cette perte a été de 7,6 kg en 3 mois en moyenne pour les sujets suivant un régime keto.
Bien plus impressionnant, Gomez-Arbelaez et al. (7) ont trouvé des résultats de -19,3 kg sur la même durée de 3 mois !
Comment les deux peuvent être efficaces ensemble ?
Ce qui est assez génial, c’est qu’il est possible de coupler jeûne intermittent et régime cétogène. Mieux encore, joindre les deux peut les rendre encore plus efficaces !
Une alimentation cétogène pourrait aider à gérer les périodes de jeûne, parce qu’elle apporte une grande satiété et une réduction de la faim. D’après de nombreuses études citées par Benlloch et al. (8).
Paoli et al. (8) rappellent qu’on ne comprend pas encore bien pourquoi cet effet du régime keto, mais que cela pourrait à voir avec l’action des cétones dans le corps, notamment en ce qui concerne la circulation de la ghréline (hormone de la faim).
Peut-être aussi que cela a trait directement aux aliments gras eux-mêmes. Puisqu’il est reconnu aujourd’hui que de nombreux éléments jouent un rôle sur notre sensation de satiété et de faim : odeur, goût, texture, apparence… Manger un aliment épais comme l’avocat pourrait donner une plus grande sensation de satiété qu’un bonbon par exemple, même à apport énergétique égal.
Forcément, en couplant cétogène et jeûne, vous allez renforcer l’état de cétose et certainement perdre davantage de masse graisseuse qu’avec l’un ou l’autre seul.
En plus, il se pourrait que le jeûne intermittent vous aide à se mettre plus facilement à l’alimentation cétogène.
Car, il faut le dire, atteindre la cétose avec l’alimentation n’est pas simple quand on commence. Au début, cela peut être un casse tête de s’organiser et varier son alimentation sans manger de glucides (ou presque).
Je pense que ça peut faciliter les choses d’avoir un nombre de repas réduit, et d’ainsi se concentrer sur moins de recettes mais en plus grandes quantités.
Quoi qu’il en soit, si vous voulez faciliter votre jeûne avec l’alimentation cétogène, et ainsi renforcer l’état de cétose, il vaut mieux faire les choses petit à petit. Je vous conseille de ne pas commencer directement les deux en même temps.
Ainsi, vous pourrez éviter un double choc pour votre corps. Par exemple, imaginez subir la keto flu (grippe cétogène) en même temps que vous habituer à ne pas manger pendant de longues heures. Ça fait beaucoup d’un coup, pour votre mental comme votre organisme.
A la place, faites quelques semaines de jeûne puis intégrez doucement l’alimentation cétogène. Ou inversement, devenez un vrai keto avant de parsemer par-ci par-là des journées de jeûne intermittent, de plus en plus régulière.
Joindre régime cétogène et jeûne intermittent c’est possible, sain et efficace !
Et ce, à court comme à long terme. Alors si vous êtes tenté, n’ayez pas peur de tenter l’expérience, mais toujours petit à petit.
Références
(1) Gershuni, V. M., Yan, S. L., & Medici, V. (2018). Nutritional Ketosis for Weight Management and Reversal of Metabolic Syndrome. Current nutrition reports, 7(3), 97–106. https://doi.org/10.1007/s13668-018-0235-0
(2) Dashti, H. M., Mathew, T. C., Hussein, T., Asfar, S. K., Behbahani, A., Khoursheed, M. A., Al-Sayer, H. M., Bo-Abbas, Y. Y., & Al-Zaid, N. S. (2004). Long-term effects of a ketogenic diet in obese patients. Experimental and clinical cardiology, 9(3), 200–205. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2716748/
(3) Dunford, M. & Doyle, J. (2008). Nutrition for Sport and Exercise. https://books.google.fr/books?id=arqNy5e1t60C&lpg=PP23&dq=Nutrition%20for%20Sport%20and%20Exercise%202008&hl=fr&pg=PP1#v=onepage&q&f=false
(4) Welton, S., Minty, R., O'Driscoll, T., Willms, H., Poirier, D., Madden, S., & Kelly, L. (2020). Intermittent fasting and weight loss: Systematic review. Canadian family physician Medecin de famille canadien, 66(2), 117–125. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7021351/
(5) Dyson, P. A., Beatty, S., & Matthews, D. R. (2007). A low-carbohydrate diet is more effective in reducing body weight than healthy eating in both diabetic and non-diabetic subjects. Diabetic medicine : a journal of the British Diabetic Association, 24(12), 1430–1435. https://doi.org/10.1111/j.1464-5491.2007.02290.x
(6) Bonnie J. Brehm, Randy J. Seeley, Stephen R. Daniels, David A. D’Alessio, A Randomized Trial Comparing a Very Low Carbohydrate Diet and a Calorie-Restricted Low Fat Diet on Body Weight and Cardiovascular Risk Factors in Healthy Women, The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, Volume 88, Issue 4, 1 April 2003, Pages 1617–1623, https://doi.org/10.1210/jc.2002-021480
(7) Gomez-Arbelaez, D., Crujeiras, A. B., Castro, A. I., Martinez-Olmos, M. A., Canton, A., Ordoñez-Mayan, L., Sajoux, I., Galban, C., Bellido, D., & Casanueva, F. F. (2018). Resting metabolic rate of obese patients under very low calorie ketogenic diet. Nutrition & metabolism, 15, 18. https://doi.org/10.1186/s12986-018-0249-z
(8) Benlloch, M., López-Rodríguez, M. M., Cuerda-Ballester, M., Drehmer, E., Carrera, S., et al. (2019). Satiating Effect of a Ketogenic Diet and Its Impact on Muscle Improvement and Oxidation State in Multiple Sclerosis Patients. Nutrients, 11 (5), 1156. https://search.proquest.com/docview/2302313305/
(9) Paoli, A., Bosco, G., Camporesi, E. M., & Mangar, D. (2015). Ketosis, ketogenic diet and food intake control: a complex relationship. Frontiers in psychology, 6, 27. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2015.00027
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