Quand on suit un nouveau mode d’alimentation, il est courant de se demander comment certains de nos petits plaisirs peuvent jouer dessus.
Je vais aborder avec vous le sujet de la consommation d’alcool dans le cadre d’un jeûne intermittent. Et malheureusement, je dois vous prévenir, vos objectifs de perte de poids et d’assainissement du corps vont en prendre un coup...
Le voyage de l’alcool dans notre organisme
Comme l’explique Cederbaum (1), alors que les principaux nutriments sont sous contrôle hormonal lorsqu’ils arrivent dans notre corps, peu de régulations hormonales sont en capacité d’éliminer l’alcool.
C’est ainsi que l’éthanol (nom scientifique de l'alcool) devient une vraie charge pour le foie, puisqu’il n’est traité qu’à 10% par l’estomac et les intestins, et 10% par les reins.
La consommation d’alcool entraîne un beau bazar dans le corps, en voici les détails (mais accrochez-vous car il faut bien suivre) :
1. Dans les cellules, une enzyme va convertir l’éthanol en acétaldéhyde, qui est 30 fois plus toxique mais aussi plus simple à traiter.
2. A son tour, l’acétaldéhyde devient de l’acétate (un mélange d’eau et de dioxyde de carbone).
3. L’acétate entre dans les mitochondries (sorte de cellules) qui se retrouvent alors submergées puisqu’elles ne peuvent s’en servir comme énergie. Alors elles convertissent l’acétate en citrate.
4. Le citrate sera principalement converti en gras, et même surtout en gras viscéral. Une petite partie deviendra des acides gras libres causant de la résistance à l’insuline de la part des muscles. Enfin, un peu de gras va aussi rester coincé dans le foie, ce qui à long terme peut être dangereux.
Alcool et jeûne
Petit point anatomique : le pylore (dont je vais vous parler juste après) est une valve qui sépare l’estomac du premier segment de l'intestin grêle. Puis, sur le chemin de la paroi intestinale, le foie est le premier organe à rencontrer ce qui y circule, nutriments comme toxines.
Lorsqu’on jeûne, la pylore est grande ouverte. Ce qui signifie que le corps en état de jeûne absorbe l’alcool extrêmement vite. Si vite que les enzymes qui s’en occupent en principe se trouvent débordées, le taux d’alcoolémie augmente beaucoup plus vite et le processus est moins contrôlable.
En plus de cela, la nourriture consommée pendant ou après la boisson ne sera pas traitée correctement par le foie qui est obligé de donner la priorité au traitement d’une toxine : l’éthanol.
Vous l’aurez compris, alcool et jeûne ne font pas bon ménage. D’ailleurs, vous ne le savez peut-être pas mais l’alcool rompt le jeûne.
Cederbaum (1) rappelle que l’éthanol est un nutriment qui a une valeur calorique de 7 kcal par gramme, c’est plus que les glucides et protéines qui n’en contiennent que 4 par gramme ! Mais toujours un peu moins que les lipides qui apportent 9 kcal par gramme.
Quoi qu’il en soit, les calories rompent les processus de jeûne, et il en va bien sûr de même pour l’alcool. En plus, contrairement aux autres nutriments l’éthanol n’est pas utile et ne peut pas non plus être stocké, il reste dans le corps jusqu’à élimination par les fluides.
L’alcool fait grossir par plusieurs processus
Alors que la perte de poids est souvent l’un des effets les plus recherchés lors d’un jeûne intermittent, l’alcool ruine complètement les possibles résultats par un ensemble de mécanismes.
D’abord, une expérimentation de Raben et al. (2) auprès de 19 adultes a montré que la consommation d’alcool pendant le repas entraîne une baisse du taux de dégradation des graisses jusqu’à 5 heures après le repas.
Cette baisse, comme le montrent Sonko et Mulberg (3), s’explique par le fait que l’alcool supprime l’oxydation des graisses puisqu’il demande déjà trop d’énergie pour être métabolisé. Et il entraîne généralement une augmentation de la production d’insuline. Ainsi, l’alcool a un effet d’économie des graisses similaire au glucides, ce qui signifie que l’éthanol pousse les acides gras à être stockés plutôt que dépensés.
Ces deux expériences montrent donc que, naturellement, l’alcool encourage la prise de masse graisseuse.
Mais en plus de ça, la consommation d’alcool conduit à manger davantage, là encore un facteur de prise de poids.
Les raisons avancées par Yeomans et al. (4) : l’éthanol stimule un certain nombre de systèmes neurochimiques et périphériques impliqués dans le contrôle de l’appétit. Par exemple, la suppression de la leptine, l’hormone de satiété.
En plus, comme le montrent Schrieks et al. (5), l’éthanol augmente la sensation de récompense lorsque l’on consomme de la nourriture, en particulier salé. A nouveau, l’alcool nous pousse à manger davantage : jusqu’à 30% d’ingestion de nourriture supplémentaire par rapport à un repas sans alcool (avant ou pendant).
L’alcool met à mal les bienfaits du jeûne
Je vous l’ai largement expliqué aujourd’hui, l'alcool et le jeûne intermittent ne sont pas franchement en harmonie :
❖ L’alcool rompt le jeûne, et donc des processus extrêmement bénéfiques comme la cétose.
❖ Également, la consommation d’alcool favorise la prise de poids par suppression des effets d’oxydation du gras, stockage du gras et augmentation de la quantité de nourriture consommée.
❖ Mais en plus (comme si c’était pas déjà suffisant), l’alcool altère également l’effet anti-inflammatoire du jeûne intermittent.
Notamment, comme l’expliquent Wang et al. (6), parce qu’il augmente significativement la translocation de LPS qui eux-même promeuvent la libération de cytokines pro-inflammatoires.
Ainsi, l’alcool n’est clairement pas un allié du jeûne intermittent. Mais, consommé avec grande modération, ses effets ne sont bien sûr pas dramatiques non plus.
Si vous voulez vous accorder un petit verre après le jeûne, pensez d’abord à consommer un peu de nourriture pour refermer le pylore, et en particulier des glucides qui atténueront le passage de l’éthanol dans le foie.
J’espère vous l’avoir bien expliqué que la consommation d’alcool doit être raisonnable et stratégique surtout si vous suivez un jeûne intermittent !
Références
(1) Cederbaum A. I. (2012). Alcohol metabolism. Clinics in liver disease, 16(4), 667–685. https://doi.org/10.1016/j.cld.2012.08.002
(2) Raben, A., Agerholm-Larsen, L., Flint, A., Holst, J. J., & Astrup, A. (2003). Meals with similar energy densities but rich in protein, fat, carbohydrate, or alcohol have different effects on energy expenditure and substrate metabolism but not on appetite and energy intake. The American journal of clinical nutrition, 77(1), 91–100. https://doi.org/10.1093/ajcn/77.1.91
(3) Sonko, B.J. & Mulberg, Andrew & Murgatroyd, Peter & Goldberg, G.R. & Ven, M.L. & Coward, W.A.. (1994). Effect of alcohol on postmeal fat storage. The American journal of clinical nutrition. 59. 619-25. https://doi.org/10.1093/ajcn/59.3.619
(4) Yeomans, M. R., Caton, S., & Hetherington, M. M. (2003). Alcohol and food intake. Current opinion in clinical nutrition and metabolic care, 6(6), 639–644. https://doi.org/10.1097/00075197-200311000-00006
(5) Schrieks, I. C., Stafleu, A., Griffioen-Roose, S., de Graaf, C., Witkamp, R. F., Boerrigter-Rijneveld, R., & Hendriks, H. F. (2015). Moderate alcohol consumption stimulates food intake and food reward of savoury foods. Appetite, 89, 77–83. https://doi.org/10.1016/j.appet.2015.01.021
(6) Wang, H. J., Zakhari, S., & Jung, M. K. (2010). Alcohol, inflammation, and gut-liver-brain interactions in tissue damage and disease development. World journal of gastroenterology, 16(11), 1304–1313. https://doi.org/10.3748/wjg.v16.i11.1304
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